La Toyota Jeep BJ
Le Toyota Jeep BJ (1953) :
Le premier Toyota BJ de l’histoire (1951)
En 1950, la guerre de Corée décide les Etats–Unis à réarmer le Japon qui est autorisé à lancer un appel d’offres pour 1000 véhicules tout-terrain. Après cinq mois de travail, en janvier 1951, Toyota présente, sans succès, un véhicule monté avec les pièces de camions déjà existants dans la gamme et équipé d’une carrosserie rudimentaire fortement inspirée de la Jeep américaine et opportunément appelée « Jeep BJ ». Voici l’un d’entre eux, propriété de Toyota Autobody, anciennement Araco, son constructeur.
Tous droits réservés textes et photos : Marc Mellet
L’histoire du Land Cruiser commence juste après la Seconde Guerre mondiale. Après-guerre, le Japon subit une inflation galopante qui génère de très grandes difficultés pour la population. En 1949, afin de résorber cette inflation, les USA qui « supervisent le pays » lancent des mesures extrêmement strictes d’austérité : la « Dodge Line ». Plutôt que de la stabiliser, ces mesures augmenteront les difficultés économiques et les industrielles devront licencier pour faire face aux difficultés. En avril 1950, Toyota doit faire face à une grève de grande ampleur. Le niveau de production n’a jamais été aussi bas. L’entreprise touche le fond et risque de ne pas être capable de se relever.
La Jeep BJ, notre père à tous
Mais le 25 juin 1950, La Corée du Nord envahit la Corée du Sud. La guerre de Corée commence. À cette époque, le Japon est sous l’influence américaine qui utilise le Japon comme base arrière pour ses opérations en Asie. Quand les forces de réserve de la Police nationale (précurseur de l’armée japonaise, les Forces d’autodéfense du Japon) ont été créées, elles étaient entièrement sous dépendance américaine pour son approvisionnement en matériel. Très rapidement, il a été demandé à ce qu’elles deviennent autonome quant à leur équipement pour favoriser une économie nationale sous prétexte que cela servirait aussi à l’armée américaine pour ses opérations en Asie. Plusieurs appels d’offres ont émergé pour la fourniture de camions compacts et d’autres véhicules 4X4.
Dès août de la même année, Toyota commence à travailler sur ce projet. Ce n’est pas la première fois que Toyota produit des véhicules 4X4 légers puisque pendant la guerre, le constructeur avait déjà présenté l’AK1O pour répondre à l’effort de guerre. Le prototype utilisait le moteur de type C, un quatre cylindres de 2 259 cm3.
Six mois plus tard, en janvier 1951, un nouveau prototype est créé sur les bases de l’AK10 mais sans grande relation mécanique. Le moteur est maintenant le six cylindres essence de 3386 cm3 de type B refroidit par eau. Ce moteur a été construit en 1938 à l’origine pour motoriser un camion de quatre tonnes de charges utiles et bénéficie de plus de dix ans de développement sur les camions de type Go, KB et BM.
Le châssis provient du camion SB, un camion d’une tonne de charges utiles doté d’un empattement de 2 400 mm soit 200 mm plus long que la Jeep Willys. À l’origine, le camion SB était appelé le poney Toyota pour ses capacités de chargement.
Les Japonais ne s’embarrassent pas pour lui trouver un nom. La Jeep Willys étant la référence, ils l’appelleront la Jeep BJ, B pour le moteur et J pour Jeep.
Malheureusement, l’appel d’offres de l’armée sera remporté par la Jeep Willys elle-même. Petite et agile, elle reste la meilleure. Pourtant, son moteur quatre cylindres de 2,2 L ne fait pas le poids comparé aux 3,4 L de la Jeep BJ beaucoup plus puissants et coupleux. La conception même des moteurs est différente, celui du BJ étant plus moderne avec son arbre à cames de type OHV ce qui rendait le moteur plus souple encore.
Les deux véhicules ont pour point commun de ne pas être des 4X4 permanents et de ne pas posséder de boite de transfert. Doté d’une boite à quatre vitesses au ratio court, le couple du moteur suffisait largement à passer les difficultés sans avoir besoin de compliquer la chaîne cinématique. La première vitesse de la Jeep BJ avait une démultiplication de 5,53 et la quatrième 4,11 ce qui induisait une vitesse maximale assez faible. Les routes goudronnées étant très rares encore, ce n’était pas un problème.
Cependant, tout n’est pas perdu pour Toyota. En juillet 1951, le pilote d’essai Ichiro Taira effectue brillamment, en présence de quelques responsables de la Police, une ascension qui fera parler d’elle. Il réussit à hisser sa Jeep BJ jusqu’au sixième niveau du Mont Fuji (2 500 m), soit presque 2 000 m d’ascension. Rappelons ici que le mont Fuji culmine à 3 776 m d’altitude et qu’il est décomposé en dix niveaux. De nos jours, il y a un parking au cinquième niveau (2 300 m) pour commencer son ascension à pieds. Il n’est pas possible d’aller plus haut en auto mais à l’époque, il s’agit d’un véritable exploit.
La réponse de la Police nationale ne se fait pas attendre. En août, la Jeep BJ devient officiellement la voiture de patrouille de la Police nationale.
Cependant, Toyota n’est pas prêt pour une production à grande échelle et il faudra deux ans pour finaliser la commande. Les négociations sur les caractéristiques et le prix final auront aussi leur part de responsabilité dans ce délai.
En 1953, l’usine de Arakawa bankin Kogyo KK (un temps appelé Araco corporation, maintenant Toyota Autobody), produit nuit et jour pour répondre à la demande. La chaîne de fabrication n’est pas encore optimisée. Les pièces de châssis sont envoyées de Toyota Motor Corporation pour l’assemblage du châssis chez Toyoda Automatic loom Works ltd, puis expédiés à l’usine d’assemblage de Arakawa. Les véhicules finis retournent chez Toyoda Automatic loom Works ltd où ils sont réceptionnés par une équipe de vingt personnes de la Police nationale qui assure sur place le contrôle qualité.
Très rapidement, Toyota reçoit des commandes pour équiper l’agence forestière, le ministère de l’Agriculture, les entreprises d’énergie, les pompiers… C’est un succès.
En 1954, en réponse à des allégations de violation de la marque déposée par la société qui produit la Jeep Willys, Toyota, via son directeur technique Hanji Umehara, décide de rebaptiser la Jeep BJ, le Land Cruiser. Pourquoi Land Cruiser ? Parce que l’échec du résultat de l’appel d’offres de l’armée japonaise a incité la marque à regarder fortement sur un développement via une commercialisation à l’étranger. Et dans ces années là, une autre 4X4 venait de naître : le Land Rover. Il fallait donc trouver un nom qui ne soit pas « inférieur » à celui de son futur concurrent. Une légende venait de naître.
Les chiffres de la production entre 1951 et 1955
1951 : 90 unités
1952 : 87 unités
1953 : 121 unités
1954 : 474 unités
1955 : 585 unités
Et avant ?
En 1941, l’armée impériale japonaise occupe les Philippines, où ils ont trouvé un vieux Bantam MKII, l’ancêtre de la Jeep. Ce véhicule sera immédiatement rapporté au Japon où les autorités militaires demanderont à Toyota de fabriquer un engin similaire sans qu’il ressemble à la Jeep américaine. Le prototype sera appelé le modèle AK et sera adopté par l’armée impériale. En 1942, Toyota a développé l’AK10 une copie du Bantam GP équipé d’un moteur quatre cylindres de type C de 2 259 cm3 qui équipe la berline Toyota Æ avec une boite manuelle à trois vitesses et une boite de transfert avec réduction. La plupart des AK10 n’ont pas été utilisés activement dans la guerre contrairement à la Jeep Willys.
MODEL AK10, SPÉCIFICATION
Overall, Length | 3,390 mm |
Overall, Width | 1,570 mm |
Overall, Height | 1,800(1,370) mm |
Wheel Base | 2,300 mm |
Tread, Front/Rear | 1,300 mm/1,300 mm |
Minimum Turning Radius | 6.0 m |
Vehicle Weight | 1,100 kg |
Payload | 500 kg |
Seating Capacity | 2 Passengers |
Gross Vehicle Weight | 1,800 kg |
Engine Type | Gasoline engine, 4-cycle, OHV |
No.of Cylinders | 4 |
Bore and Stroke | 84.14 mm x 101.6mm |
Displacement | 2,258cc |
Compression Ratio | 6.0 |
Maximum B.H.P. | 43 HP at 2,800 rpm |
Maximum Torque | 17.0 kg-m at 1,400 rpm |
Maximum Speed | 80 km/h |
Gasoline Tank Capacity | 50L |
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