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Inde du Nord

5602 mètres d’altitude sur ses roues !

Il est parfois des aventures qui commencent mal. Initialement prévu pour parcourir la route carrossable la plus haute du monde à moto, ce projet a avorté dès son premier jour à cause d’une mousson tardive qui a dévasté un pan entier de montagne et la route qui s’y accrochait péniblement. Heureusement, une poignée de Toyota Qualis se sont portée à notre secours pour faire de ce voyage une aventure exceptionnelle. Dont on ne ressort que grandis…

 Textes et photos : Marc Mellet

 INDE-NORD-MELLET006INDE-NORD-MELLET014

Au premier abord, la déception pourrait être grande. Partis pour découvrir le Ladakh à dos de Enfield, ces motos des années cinquante toujours fabriquées, sur un périple d’environ 1500 kilomètres au travers des plus hautes routes du monde, notre groupe composé exclusivement de Réunionnais s’est retrouvé coincé à Manali dès le deuxième jour. Un pont et plusieurs virages ayant été emportés dans une succession de glissements de terrain juste avant le Rothang Pass, un col qui culmine à 3978 mètres d’altitude.

INDE-NORD-MELLET002La route qui mène au Ladakh revêt un intérêt stratégique dans le règlement des tensions avec le Pakistan et auparavant avec la Chine. Son entretien est donc capital pour l’approvisionnement en essence et gasoil de toute la région du Jammu et du Cachemire. La réparation ne devait donc pas prendre trop de temps. Trente-six heures plus tard, un pont tout neuf était de nouveau en place. En fait, un pont moins important a été démonté et remonté en remplacement de celui qui faisait défaut dans un délai synonyme d’une chance trop grande pour être vrai. Plus haut, la route avait été emportée en neuf endroits différents par des glissements de terrain qui ont tout dévasté sur leur passage. Un pan de montagne entier était à reconstruire. Malgré les deux cents hommes qui se sont attelés à la tâche dès le pont réparé, cela prendrait des semaines. Résignés mais lucides, il nous fallait abandonner les motos. Dix sherpas furent convoqués. Ils eurent la lourde tâche de porter nos bagages sur ce pan de montagne blessé par les eaux. Une heure et demie de marche sur une pente raide et boueuse à souhait au-delà de laquelle nous attendaient quatre autos tout-terrain, des Toyota Qualis. L’aventure pouvait continuer.INDE-NORD-MELLET005

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Avec son profil de caisse à savon, le Qualis n’est pas une auto que l’on imagine agile et pourtant c’est avec une extrême aisance que nous gravissons mètre par mètre les pistes rocailleuses. Le petit moteur atmo ne souffre guère de l’altitude car le réglage de la pompe à gasoil est spécifique. Dans ces conditions, la consommation avoisine les 22 litres au 100. La progression sur quatre roues ménage les hommes et permet de rouler plus longtemps si bien que nous avons décidé de rattraper notre retard en joignant deux étapes. Un avantage temporel qui cache une tout autre réalité. À trop avancer, nous passons en dix heures de 2000 mètres d’altitude à plus de 4400. Une ascension dont nous allons faire les frais rapidement : trop heureux d’avoir pu passer le col du Rothang Pass et en bon Français, nous décidons d’ouvrir une bouteille de vin pour fêter notre libération. Mais la première gorgée sera fatale à l’un des participants qui a eu l’indélicatesse de boire une gorgée avant que nous ne trinquions réellement. Deux minutes plus tard, il était allongé en « coma éthylique » et il a fallu cinq bonnes minutes d’oxygène pour qu’il revienne à lui. Inutile de vous dire que le reste du groupe s’est abstenu de tenter la même expérience… sauf un qui a jugé bon de finir la bouteille. La décence m’interdit de donner son nom et surtout de décrire l’état dans lequel il a fini. Ce serait un pêché de confesser…

INDE-NORD-MELLET010Cette région, véritable bout du monde, restée fermée jusqu’en 1994, bénéficie d’un climat assez clément. Chaque vallée est différente. Ainsi les vallées moins élevées sont plus vertes, les cultures plus riches et la population plus nombreuse dans les villages et monastères. La vie quotidienne y est celle du Tibet. À Leh, la visite des nombreux monastères présents permet de prendre conscience de certaines valeurs millénaires du Bouddhisme. Ainsi, les monastères plusieurs fois centenaires de Hémis, Thiksey et Shey Palace assument un rôle d’ambassadeur des plus importants pour cette religion ouverte à l’étranger.

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Au départ de Leh, à 3515 m, la route s’élève dans le paysage désertique propre à tout le Ladakh. Elle va monter jusqu’au Kardong La (« La » = col) qui culmine à 5602 m. Le panorama est grandiose, la démesure des chaînes montagneuses himalayennes laisse le spectateur pantois et béat d’admiration. Il n’a pas à faire l’effort de regarder la montagne, elle domine tout alentour, y compris nos âmes en manque d’oxygène. Toutefois, fort d’une accoutumance acquise au fil des jours, le passage de la piste carrossable la plus haute du monde a été perçu par tous comme une récompense aux incertitudes qui ont bercé le début de ce raid. C’est ensuite la longue descente vers la Nubra. Malgré son altitude, ce col est le seul à rester praticable toute l’année, car les chutes de neige sont ici très faibles à cause de l’extrême sécheresse de l’air. Il ne reste jamais fermé plus de deux ou trois jours.

INDE-NORD-MELLET020INDE-NORD-MELLET016Notre périple traverse la vallée de l’Indus et suit ainsi l’ancienne piste des caravanes de la Route de la Soie qui reliait Leh à Yarkand, au Turkestan. Mosaïque étonnante d’oasis, de paysages verdoyants, de dunes de sable. En témoigne la présence inattendue de chameaux de Bactriane le long de la rivière Shyok. Leur origine est intéressante : quand la Chine a envahi le Tibet en 1950, elle a aussi envahi la région désertique du Sinkiang au nord du Karakoram. Toutes ces frontières se sont brusquement fermées, et les caravanes qui étaient en route sont restées bloquées au retour au pied du Karakoram. Les magnifiques chameaux de Bactriane n’ont jamais pu rejoindre le désert de Gobi, et coulent des jours tranquilles sur le sable de la Nubra. La chaîne du Karakoram sépare la Nubra des grands déserts d’Asie centrale : Taklamakan et Gobi. Mais déjà on peut traverser de petits déserts de pierres ou de sable. Ce terrain de jeu est l’endroit idéal pour éprouver nos Qualis. Les deux roues motrices limitent forcément nos ardeurs mais ce Toy hybride est particulièrement adapté à ce relief escarpé. Toutefois, le lieu et les distances à parcourir pour tout dépannage calment vite nos excentricités. Pour revenir intact du bout du monde, il vaut mieux assurer. Tout franchissement se fait donc en douceur.INDE-NORD-MELLET015

INDE-NORD-MELLET013Le col du Karakoram (5600 m) sépare la piste principale de la route de la Soie du Cachemire. En effet, il suffit de suivre les rivières de la Nubra puis la Shyok, toutes deux issues des glaciers qui descendent du K2 (le deuxième sommet du monde à 8611 m.), pour arriver à l’Indus sans franchir d’autres cols. Nous nous contenterons d’aller jusque Deskit où un étonnant monastère tantrique surplombe la vallée depuis 3550 ans. Et comme un clin d’œil à ce qui s’était passé deux ans auparavant, il a neigé lors de notre retour sur Leh. Ce coup-ci même la neige ne sera pas parvenu à arrêter notre progression. Pourtant de nombreux glissements de terrain ont essayé de jouer les trouble-fêtes sans pour autant perturber nos ascensions car ce coup-ci la chance était de notre côté. Peut-être pouvons-nous dire que les dieux étaient avec nous car avec un mixte de Bouddhisme, d’Hindouisme et d’Islam, cette terre exulte une spiritualité qui fait le lien entre la terre et les hommes. C’est en tout cas ici que la terre est la plus proche du ciel…

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INDE-NORD-MELLET009L’Inde en bref :

Superficie : 3 287 590 kilomètres carrés, soit six fois la France

Climat : tropical ; températures moyennes à New Delhi: de 7°C à 21°C en janvier, de 26 à 41°C en juillet.

Capitale : New Delhi

Population : plus d’un milliard d’habitants

Religion : Hindous (83%), Musulmans (10%), chrétiens (3%), Sikhs (2%)

PNB par habitant : 400 euros

Activités : Textiles, fer et acier, produits chimiques, engrais

Le Ladakh : Province de la région du Jammu et du Cachemire à l’extrême nord du Pays dans la partie himalayenne. La zone est très militarisée puisque le Pakistan et la Chine ont des prétentions territoriales sur la région.

Conseils Pratiques

Décalage horaire : plus  3,5 H en été et 4,5H en hiver par rapport à la France.

Monnaie : La roupie. Un euro = 54 roupies.

Langue officielle : L’hindi. L’anglais est pratiqué un peu partout.

Formalités : visa obligatoire, valable six mois depuis la date de la demande. Certaines routes du Ladakh nécessitent une autorisation spéciale à obtenir sur place.

Budget : L’Inde offre aux voyageurs un pouvoir d’achat élevé. Un litre d’essence coûte 36 roupies soit 0,66 euro/litre.

Routes : Conduite à gauche. Se déplacer avec son propre véhicule est une opération de survie à très haut risque à cause …de tout : bus, vaches, piétons, voitures, camions, buffles, éboulis, trous dans la chaussée. La liste est longue.

Santé : Pas de vaccin obligatoire mais traitement antipaludéen recommandé en dessous de 2000 mètres d’altitude. Attention à l’eau et aux aliments. En Inde, la tourista fait vraiment partie de votre quotidien.

Avion : dix heures pour Paris/Delhi (6579 kilomètres) (à partir de 450€).

Adresses utiles :

Ambassade d’Inde, service des visas 15 rue Albéric-Magnard, 75016 Paris Tèl : 01 40 50 71 71.

Office national indien du tourisme : 13 bd Hausmann, 75009 Paris. Tel : 01 45 23 30 45. www.india-tourisme.com.fr

 Pour en savoir plus sur les voyages à moto : info@motoland-aventure.com.: www.motoland-aventure.com.

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